“El Perdido”, sur Arte : un regard subversif sur le mythe du western

Un regard sur “El Perdido” : un mélodrame baroque méconnu de Robert Aldrich

Un réalisateur iconoclaste et romantique

Robert Aldrich est souvent associé à des films percutants, violents et iconoclastes tels que “Vera Cruz” (1954), “En quatrième vitesse” (1955) ou encore “Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?” (1962). Pourtant, derrière cette image se cache également un fond de romantisme tragique qui transparait dans des œuvres moins célèbres. C’est le cas de “El Perdido” (1961), un western souvent raillé pour son sentimentalisme mais qui révèle un mélodrame baroque et crépusculaire.

Un anti-western énigmatique

“El Perdido” est un anti-western qui se déroule au Mexique, bien que ni les personnages ni les lieux du film ne portent ce nom. Le titre en espagnol laisse perplexe, laissant penser à une référence aux hommes “perdus”. Cependant, il cache une signification cryptée. Malgré cela, le film mérite d’être regardé pour plusieurs raisons.

Trois raisons de le regarder

Kirk Douglas et Dalton Trumbo

“El Perdido” bénéficie d’un scénario brillamment signé par Dalton Trumbo, un des rares scénaristes connus du grand public. Victime de la chasse aux communistes orchestrée par la Commission des activités anti-américaines pendant l’ère McCarthy, Trumbo s’est exilé au Mexique où il a continué d’écrire sous des noms d’emprunt. Grâce à Kirk Douglas, qui a fait appel à lui pour “Spartacus” (1960), il a pu sortir de sa semi-clandestinité et travailler sur plusieurs projets, dont “El Perdido”. La complicité entre l’acteur et le scénariste a abouti à d’autres collaborations fructueuses, notamment sur “Seuls sont les indomptés” (1962).

Moins le colt que le cœur

L’histoire de “El Perdido” met en scène un shérif (Rock Hudson) qui poursuit un hors-la-loi (Kirk Douglas) vêtu de noir. Au lieu de s’entretuer, ils décident de travailler ensemble pour escorter un convoi de bétail jusqu’au Texas. Cependant, une femme du nom de Belle (Dorothy Malone) détient la vérité et est courtisée par les trois hommes. Le mari de Belle (Joseph Cotten), un rancher généreux en fuite dans l’alcool, vient compliquer cette intrigue. Sans révéler davantage, l’expédition mène à une révélation finale stupéfiante.

Des séquences inoubliables

Bien que le film soit inégal en raison des tensions sur le tournage entre Kirk Douglas et Robert Aldrich, il contient plusieurs séquences mémorables. Parmi elles, on peut citer celle de la “robe jaune” portée par la fille de Belle lors d’une soirée spéciale, ainsi que celle des feux de Saint-Elme. Cette dernière est particulièrement étonnante dans un western, avec ses lumières bleues au bout des cornes du troupeau, suivie d’une déclaration d’amour du bandit à Belle. La séquence est magnifiquement mise en images par Ernest Laszlo.

Un western méconnu à (re)découvrir

“El Perdido”, malgré les critiques qu’il a pu recevoir, est un film à part dans l’œuvre de Robert Aldrich. Ce mélodrame baroque, énigmatique et visuellement captivant mérite d’être redécouvert. La présence de Kirk Douglas et le scénario de Dalton Trumbo ajoutent une dimension supplémentaire à cette histoire de vengeance et de passion. Ne vous laissez pas décourager par les a priori, plongez-vous dans ce western singulier et laissez-vous surprendre par ses séquences inoubliables. “El Perdido” est diffusé ce soir sur Arte et promet une soirée cinématographique enrichissante.